La résilience
Notre activité, dont l’essence même est de vous rapprocher et de favoriser les rencontres, est évidemment suspendue pour un temps et, en attendant de vous retrouver, nous avons décidé de transformer notre lettre d’info « agenda » en une lettre thématique. Découvrez ci-dessous la lettre d’info du mois d’avril 2020.
Cherchant toujours à croiser et partager les expertises et les expériences, nous faisons ici appel à 6 personnalités pour nous livrer leur regard sur la notion de résilience, dans le contexte d’aujourd’hui ou en la traduisant de façon singulière dans leur univers. Ce concept, « popularisé » sous l’impulsion des travaux du neuropsychiatre Boris Cyrulnik à la fin des années 90, est en effet aujourd’hui fréquemment évoqué dans la perspective d’un renouveau à venir.
Qu’elle s’exprime sur le plan individuel ou collectif, la résilience mobilise des capacités dont nous ne sommes pas tous également dotés, mais elle peut être encouragée en développant certaines aptitudes. Qu’est-ce qu’être résilient, comment la résilience s’exprime-t-elle dans un système et ce dernier, en crise, le permet-il ? La question vaut d’être également posée du point de vue de l’écologie.
Et parce que la résilience est un mouvement continu, nous alimenterons notre site de nouveaux contenus que vous voudrez encore nous communiquer. Ainsi, nous sommes heureux de maintenir le fil de nos échanges avec vous…
Adrien BaillyExpert / Formateur en Intelligence émotionnelle Psychologue spécialisé en neurosciences cognitives et comportementales, Adrien Bailly est passionné par l’application des neurosciences dans le management quotidien. Il organise de nombreuses conférences et développe des outils d’analyse de données émotionnelles. Il est le coordinateur du Certificat Exécutif en Softskills et leadership organisé par HEC Executive Education. Il envisage ici les apports du développement de l’intelligence émotionnelle comme support à la résilience. |
L’intelligence émotionnelle au service de la résilience
Dans un contexte de crise comme aujourd’hui, la résilience des individus et des organisations est une compétence fondamentale et extraordinaire. Elle nous permet de survivre.
Et pas de panique ! Cette compétence est bien à la portée de tous. Les scientifiques nous apprennent que la résilience peut être enseignée et qu’elle est constituée de compétences ordinaires : être stable émotionnellement, avoir un réseau social bienveillant et riche en ressources, être ouvert à de nouvelles expériences, croire qu’il y a un sens positif à ce qu’il nous arrive, etc.
La résilience peut être définie par la présence de facteurs protecteurs (personnels, relationnels, situationnels et philosophiques) qui nous permettent de résister aux facteurs de stress et ce, pour surmonter l’adversité. Ces ressources protectrices sont mobilisées par notre capacité à mettre de la cohérence sur les événements.
Cela implique 3 choses :
- Premièrement, comprendre intellectuellement ce qui nous arrive. C’est-à-dire, percevoir la situation en termes structurés, ordonnés et clairs qui nous permettent notamment d’évaluer et de prévenir les situations futures. La compréhension et l’anticipation des événements à venir réduisent l’incertitude, source de stress.
- Deuxièmement, concevoir que nous disposons des atouts nécessaires pour s’en sortir. Pour cela, nous pouvons aussi compter sur les ressources de nos proches. Imaginer ces ressources potentiellement disponibles nous fait déjà du bien.
- Troisièmement, avoir l’énergie émotionnelle suffisante pour gérer la situation. Cela nécessite d’entrevoir la situation comme un défi que nous pouvons relever et dans lequel nous voulons investir du temps et de l’énergie.
De manière intuitive et démontrée, l’intelligence émotionnelle aide les individus à devenir plus résilients. Elle y est même antérieure dans le sens où l’apprentissage de ces compétences favorise justement cette résilience. Le concept d’intelligence émotionnelle se réfère à notre capacité à reconnaître, comprendre, nommer et réguler nos émotions. Celles-ci assistent alors nos pensées pour nous adapter et atteindre nos objectifs individuels et collectifs. C’est particulièrement parce que l’intelligence émotionnelle nous permet de gérer efficacement le stress et de s’ajuster aux changements qu’elle favorise la résilience des individus et des organisations. De manière plus concrète, une des compétences de l’intelligence émotionnelle réside en l’expression de ses émotions. Or, exprimer ses émotions de manière adaptée constitue à la fois une des premières étapes pour les réguler et un des facteurs clés pour améliorer nos relations sociales. Et comme nous l’avons mentionné précédemment, avoir un réseau social riche en ressources et bienveillant est un élément essentiel pour augmenter la résilience.
Enfin, la résilience organisationnelle se définit comme la capacité d’une entreprise à absorber efficacement la pression et à développer des réponses spécifiques à une situation nouvelle. Elle permet de s'engager dans des activités de transformation pour tirer parti des surprises perturbatrices qui menacent potentiellement la survie de l'organisation. La résilience peut être développée notamment à travers de simples outils facilitant l’expression des émotions. Elle peut être également mesurée par des stratégies d’intervention focalisées sur les atouts que possède l’entreprise (par exemple des managers émotionnellement intelligents), sur les risques que celle-ci encourt et sur la qualité et l’agilité de ses processus.
Les travailleurs résilients sont mieux équipés pour gérer les sources de stress dans un contexte professionnel en perpétuel changement. Ils sont ouverts à de nouvelles expériences, intellectuellement flexibles aux nouvelles demandes et montrent davantage de stabilité émotionnelle face à l’adversité. L’entreprise, qui investit dans son capital social pour développer l’intelligence émotionnelle de ses managers et de son personnel, deviendra donc plus résiliente. En outre, elle détiendra un avantage compétitif pour saisir les opportunités du marché plus rapidement.
Pour aller plus loin :
Participez au webinaire d’Adrien Bailly : « Quand gérer ses émotions commence par être capable de les identifier ! », organisé le 21/04 à 14h par HEC Liège Executive Education. Inscription gratuite obligatoire.
Jean-Louis PireTraining partner (HEC-ULiège Executive Education) Actif depuis plus de trente ans dans le domaine de la transformation organisationnelle, Jean-Louis Pire est convaincu de l’absolue nécessité de rendre la gestion du changement résolument plus humaine pour réussir les transformations en entreprise. En 2016, il rejoint l’Université de Liège (HEC – Executive Education) afin de se consacrer principalement au coaching des leaders transformationnels. Chargé de cours en « Intrapreneurship », il intervient également au sein d’un programme de certification universitaire (« Project & Change Management »). Il observe de plus en plus d'appétence aujourd’hui, dans le monde de l’entreprise, pour le développement de la résilience dans le chef des leaders du changement. Et d'évoquer, lui aussi, l'intelligence émotionnelle. |
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La résilience : composante majeure du Leadership
Dans un monde en constante ébullition, les changements en entreprise sont désormais plus disruptifs que progressifs, et impactent dans leur fonctionnement au quotidien les hommes et les femmes qui composent le tissu des organisations. Chaque acteur concerné aura donc sa propre et unique perception de la même réalité que constitue le changement proposé, avec pour conséquence une réactivité émotionnelle plus ou moins forte selon la force du bouleversement généré dans ses croyances et ses repères.
La véritable complexité de la gestion du changement est résolument plus humaine que technique, et laisse désormais une place cruciale au développement de la résilience dans le chef des leaders transformationnels, et en particulier au développement de leur intelligence émotionnelle.
En physique, la résilience traduit l’aptitude d’un corps à résister aux chocs et à reprendre sa structure initiale. Adaptée au monde de la psychologie, elle désigne la capacité qu’a un individu à surmonter les moments douloureux de l’existence, à affronter les défis et à rebondir en se développant (plein potentiel), en dépit de l’adversité. Dans le cadre des transformations en entreprise, la résilience consiste à prendre acte d’un traumatisme lié au changement (deuil d’une structure, abandon d’un outil, perte des repères liés à une fonction...), à apprendre à « vivre avec » et à rebondir en changeant de perspective (nouvelle fonction, intégration d’une autre équipe...).
Pour citer Gary Hamel : « ... La résilience transformationnelle est l’ultime avantage compétitif en période de turbulence quand les organisations sont contraintes d’évoluer en profondeur et plus rapidement que jamais ... ».
Pour aller plus loin :
Vous désirez en savoir plus sur le leadership transformationnel ? Jean-Louis Pire est responsable du module Développer son leadership transformationnel dans le Certificat d'université en gestion de projet et de changement proposé par HEC Liège Executive Education.
Grégory MahyProfesseur - Biodiversité et Paysages (Gembloux AgroBio Tech, ULiège) Le Professeur Grégory Mahy est responsable de l’Unité de Recherche Biodiversité et Paysage – ULiège. Dans ses travaux, il s’intéresse particulièrement aux liens entre la biodiversité et des écosystèmes en bonne santé, en tant que source de durabilité. A notre demande, il nous parle du concept de résilience à l’aune d’une réflexion axée sur l’écologie. |
La résilience écologique, ou comment la nature résiste aux perturbations
En écologie, la résilience d’un système (population, communauté, écosystème) désigne sa capacité à retourner à son état d’origine après une perturbation. L’état d’origine du système se définit par ses caractéristiques (quantité de carbone, diversité en espèces, diversité génétique…) et par ses processus dynamiques (taux de fixation du carbone, taux de pollinisation, flux de gènes…).
La résilience se distingue de la résistance, qui est la mesure des changements des propriétés d’un système écologique suite à une perturbation (sa capacité à conserver ses propriétés face aux perturbations). Résilience et résistance sont les deux facettes des réponses des systèmes écologiques aux perturbations, mais ne sont pas strictement liées : un système très résistant peut être peu résilient et vice versa.
Les perturbations sont des facteurs naturels de dynamiques des systèmes écologiques : feu, inondations, tempêtes, mort d’individus… Résilience et résistance interagissent pour créer des équilibres dynamiques liés aux régimes de perturbations.
Une des questions clés non résolue en écologie, est le lien entre diversité/complexité d’un système (par exemple sa diversité en espèces) et sa résistance/résilience. Comprendre ce lien, et la diversité des situations à travers l’extraordinaire diversité des écosystèmes de la biosphère, est essentiel pour gérer et restaurer les systèmes écologiques dans l’anthropocène, un monde dominé par de nouveaux régimes de perturbations de nature anthropique. C’est aussi la clé pour maintenir les services écosystémiques qui contribuent au bien-être des populations humaines, tels que la production alimentaire, la régulation de l’eau, du climat ou encore l’accès aux espaces verts de qualité.
Pour poursuivre la réflexion :
Gérer le biodiversité dans l’anthropocène : biolandscape.eu
Lier la résilience écologique à la gestion : iucn.org
Isabelle HansezProfesseure de Psychologie du Travail (Faculté de Psychologie, Logopédie et Sciences de l’Education, ULiège) La Professeure Isabelle Hansez dirige l’unité de Valorisation des Ressources Humaines (ULiège) et fait partie de l’Unité de recherche ARCH (Adaptation, Résilience, Changement). Ses réflexions portent principalement sur les risques psychosociaux et le bien-être au travail dans les entreprises, ainsi que les processus énergétiques, motivationnels et sociaux impliqués dans le phénomène de stress et de burnout. Son intervention questionne ces concepts à travers le prisme de la crise sanitaire liée au COVID-19. |
Comment repenser l'organisation du travail et le soutien aux travailleurs en temps de crise ?
La crise sanitaire COVID-19 que nous traversons en ce moment a changé radicalement les habitudes de travail pour de nombreux travailleurs. Certains employés se voient contraints brutalement de télétravailler. Sur fond d’une profonde insécurité à la fois sanitaire et économique face à l’avenir, ce télétravail contraint s’organise bien souvent dans des conditions peu optimales : poste peu adapté et permettant difficilement l’isolement pour se concentrer et entrer en interaction avec le réseau professionnel, problèmes liés à l’équipement informatique, surcharge de travail, difficultés de collaboration, ambiguïté dans les tâches et les responsabilités, etc. D’autres travailleurs, en première ligne, notamment le personnel soignant, subissent une surcharge de travail, accompagnée bien souvent d’un manque de ressources en termes de matériel, et doublée d’une incertitude par rapport à l’évolution de la situation et la perspective de choix contraints à l’encontre des valeurs de la profession. Ces conditions de travail vont nécessairement impacter le bien-être au travail, l’équilibre travail-famille, mais aussi la performance des travailleurs.
La période de confinement ainsi que la sortie de cette période d’isolement supposent pour les organisations de questionner les pratiques de travail et de management : comment conserver et ensuite reconstruire le lien avec et dans l’équipe sur une période dont on ne connait pas la durée ? Comment envisager la reprise sans risquer de brusquer les choses face à des travailleurs anxieux face à l’avenir ? Comment assurer une réflexion et une continuité par rapport au télétravail dans des conditions idéales ? Quelques pistes de réflexion se dessinent. D’abord, repenser l’organisation du travail dans un monde du travail d’après crise supposera de stabiliser les nouvelles habitudes de travail et les nouvelles manières d’organiser le travail pour optimaliser le bien-être, le développement et la performance des travailleurs. Ensuite, il sera important d’accompagner les managers de proximité dans la gestion de la crise, à travers notamment des communautés de pratiques permettant d’échanger sur les problématiques rencontrées et apprendre les uns des autres. Enfin, il sera également important d’accompagner les travailleurs en souffrance dans un contexte forcément anxiogène : anxiété, épuisement, stress post-traumatique, fatigue compassionnelle, etc.
Pour vous accompagner :
La publication : « Managers de proximité : bien-faire et bien-être au travail – guide de Formation aux risques psychosociaux », SPF Emploi, Travail et concertation sociale (en collaboration avec l’Unité de Valorisation des Ressources Humaines (ULiège) et le CITES (Clinique du travail - Dr P.Firket)
L’Unité de Valorisation des Ressources Humaines (ULiège)
La Clinique Psychologique et Logopédique Universitaire (CPLU)
L’Unité de recherche ARCH - Adaptation, Résilience, Changement (ULiège)
La Clinique du travail pour l’accompagnement individuel des souffrances au travail (CITES)
NOIR ArtistPeintre plasticien, muraliste et designer graphique Artiste professionnel, Lucien Gilson (alias NOIR Artist) réalise des peintures (murales et sur toiles) de toutes les dimensions pour personnaliser des espaces, et en particulier des murs. Touché par la crise que nous traversons actuellement et souhaitant apporter son soutien à ceux qui se battent quotidiennement pour que la vie continue tout en mettant en danger la leur, il a décidé d’exprimer son art à travers une œuvre, au service de Médecins Sans Frontières. À travers cette œuvre réalisée en utilisant la technique du « kintsugi » , il nous parle de sa vision singulière de la société et de la résilience. |
Global Resilience
Ce début d’année 2020 est une période exceptionnelle. Le monde subit une grave menace qui détruit progressivement un système que l’homme a pris des centaines d’années à mettre en place.
La technique du « Kintsugi » consiste à réparer un objet en soulignant ses lignes de failles, au lieu de chercher à les masquer. Ces lignes sont même saupoudrées d’or afin de les rendre plus solides et éclatantes. L’art du Kintsugi est souvent utilisée comme métaphore de la résilience en psychologie et encourage les individus affectés par un traumatisme à prendre acte de l'événement traumatique de manière à ne plus vivre dans le malheur et à se reconstruire d'une façon socialement acceptable.
L’œuvre « Global Resilience » nous montre que notre monde vit actuellement un de ses plus grands traumatismes, et que de nombreuses fractures sont déjà bien visibles, mais que le processus de réparation est bien évidemment possible. « En tant qu’artistes, nous avons voulu aider à « amorcer » cette réparation et la guider vers un avenir plus solide et surtout durable ».
C’est pourquoi l’entièreté des bénéfices récoltés par la vente de ces lithographies de NOIR Artist sera reversée à Médecins Sans Frontières, qui n’a pas attendu ce dernier traumatisme pour se battre pour la réparation de ce monde en constante agression. S'il a choisi de soutenir MSF, c'est parce-que le combat actuel est à la fois local et global, ce que l’ONG a très bien compris depuis le début.
Ensemble, pour une « résilience globale ».
En savoir plus :
Découvrez l'œuvre « Global Resilience » et le travail de NOIR artist.
Pierre FirketDirecteur du CITES (Clinique du Stress et du Travail) - ISoSL Liège Le Professeur Pierre Firket, médecin systémicien, dirige le CITES (Clinique du Stress et du Travail) à Liège. Confronté régulièrement à ce que l’on peut nommer la souffrance au travail, générée entre autres choses par des modes opératoires basés sur la compétition et la rivalité, il nous fait part de son espoir d’un « après COVID-19 » résilient, marqué par la solidarité. |
Le travail vaut la peine
En fait, le travail vaut la peine.
Certains mots ont cette originalité d’être polysémiques dans le langage courant. La peine, par exemple. Tel spectacle valait la peine d’être vu. Cela valait la peine de visiter cette exposition… cela valait le coup… Mais aussi, dans un autre contexte, cela valait la peine d’aller jusqu’au bout de l’effort, de terminer ce travail… Ce travail valait la peine, dit-on. La peine que l’on s’est donnée pour faire du « beau travail », du « travail bien fait » qui suscite de la fierté, parce qu’il est une partie de nous-même, de notre identité qui participe à l’accomplissement de soi.
Étymologiquement, travailler implique en effet une certaine souffrance pour dépasser ce qui nous résiste dans le travail, ce qui s’oppose à sa réalisation, ce qui dans le fond nous oblige, pour qu’il soit « bien fait », à inventer, imaginer, créer, construire, essayer, recommencer, pour rendre en quelque sorte le « travail vivant » (Christophe Dejours), comme s’il était une part de qui nous sommes.
In fine, cette polysémie de « la peine » trouve, dans le travail, son unité : le travail est à la fois beau, bien fait, utile (Christophe Dejours), subtile (Pascal Chabot), et en même temps une source d’une certaine souffrance sublimée (Yves Clot). À condition… que cela ait du sens, associé symboliquement à une reconnais-sens de la valeur, en soi, intrinsèque, par l’autre.
La « Clinique du Travail » s’est imposée aujourd’hui comme une opportunité sociétale parce que le travail serait devenu en quelque sorte « malade » et qu’il s’agirait donc « d’aller à son chevet ». De nouvelles souffrances sont en effet apparues, profondes, délétères, engendrant de nouvelles pathologies dites de surcharge (B.O.).
À l’analyse, ce ne serait pas l’individu qui se montrerait plus faible, moins résistant qu’auparavant face à la tâche et à l’activité. Ce sont, du moins en partie, des mutations organisationnelles fondamentales qui, au fil des 40 dernières années, sur fond d’un modèle économique débridé, ont transformé, déformé, tronqué les relations de travail entre un individu et son environnement de travail, sur fond d’une logique de performance à tout crin. « Bien travailler » devient difficile aujourd’hui. Etre fier de son travail est illusoire. « Faire du beau travail » peut paraître vain…
S’il persiste certainement des velléités de résister à un délitement du travail, le plus souvent ce sont des stratégies défensives de résignations qui se répandent insidieusement dans le collectif de travail, avec l’émergence d’un certain individualisme, d’une perte de l’étayage de la solidarité collaborative, d’un « chacun pour soi » qui permet de se sauver de la perte de sens au travail. C’est par dépit en fait… parce que fondamentalement « j’aime bien mon travail mais je ne peux plus bien le faire… ».
Le confinement strict a repositionné la relation entre l’individu et son environnement de travail. Euphémisme. Il ne s’y attendait pas. Comme lors de la privation brutale d’une habitude, voilà qu’il prendrait conscience du « travail qui manque », de celui que l’on décriait mais qui suscitait en réalité un déficit d’exister, de s’accomplir, d’être quand même reconnu par les autres, par soi.
Il y aura un « après COVID ». Résilient. Qui permettra de remettre du lien social, de remettre des priorités, de valoriser le « beau travail », surtout s’il est collectif et solidaire, dans une dynamique de collaboration. A condition de saisir l’occasion… Les crises n’ont de sens que si l’on en fait quelque chose, dit-on communément. Il faudrait s’en souvenir quand le chemin du travail sera repris. Et l’on redécouvrira qu’effectivement le travail vaut la peine.
À propos de la Clinique du Travail :
Face à l’émergence récente de nouvelles souffrances en lien avec le travail, la Clinique du Travail, s’inspirant du modèle de la psychodynamique du Travail (Christophe Dejours, CNAM Paris), a pour objectif de recherche et d’action, de faire l'analyse sociologique et clinique du monde du travail en pleine mutation, aussi bien par l’approche individuelle que par l’abord collectif, et cela de manière pluridisciplinaire.
Le CITES Clinique du Travail fait partie d’ISoSL et est associé à ValoRH de l’ULiège du Professeur Isabelle Hansez.
Contact : Pierre.Firket@uliege.be